Flexibilité = précarité ?
Cette équation fait insidieusement son chemin dans nos caboches de petits français, et bien à tort à mon humble avis.
Les manifestations de ces dernières semaines contre le CPE font éclater au grand jour le refus d’une partie de notre pays d’envisager le marché du travail sous un angle un peu différent.
L’idée archaïque que tout peut et doit se résoudre par le CDI classique et le verrouillage de notre code du travail a encore de beaux jours devant elle.
Quand on prononce le mot flexibilité, beaucoup l’associent à la notion de licenciement, de salariés jetables et j’en passe.
La flexibilité dont a besoin notre marché du travail passera par une refonte du code du travail dans l’intérêt des salariés et des entreprises.
Quelles sont les adaptations que nous allons devoir trouver pour offrir aux entreprises les moyens d’adapter leur production, leurs coûts dans une conjoncture économique versatile et conserver et renforcer la sécurisation des parcours des salariés ?
La réduction du temps de travail, ce que les experts nomment la flexibilité interne quantitative est une des solutions, mais nous n’avons pas su en France l’adapter à tous les types d’entreprise. Trop de petites structures n’ont pas les moyens financiers et humains pour exploiter cette flexibilité et l’application de ce système n’a su en règle générale qu’engendrer des emplois à temps partiels.
Notre problème, c’est que nous n’en exploitons pas tous les aspects, comme la flexibilité fonctionnelle, c’est à dire la formation professionnelle continue (introduite par contre dans le CPE), l’externalisation, qui se résume en France à l’intérim et à la sous traitance, alors que le portage salarial, le télétravail peuvent offrir des solutions sur mesure aux entreprises.
Les pistes à explorer pour relancer le marché de l’emploi, développer de nouvelles formes de travail, établir de nouveaux rapports entre le chef d’entreprise et le salarié sont nombreuses et innovantes, mais encore faut il que vous daignions sortir de nos schémas et regarder devant nous.
Le CPE n’est que la petite étincelle qui cristallise toutes les peurs sur une réforme en profondeur de notre société, mais dont nous ne cessons de repousser l’échéance.
La détermination de Dominique de Villepin n’est pas à mon sens une histoire d’orgueil, comme ses détracteurs se plaisent à le penser, mais la simple nécessité de ne pas réitérer les erreurs passées et d’amorcer, même en force, cette réforme, de donner cette première impulsion indispensable pour engager notre pays sur la voie de la rénovation.
Certes la méthode n’est pas exemplaire, mais le courage et la volonté sont là.
Le but n’est pas de « perdre » une génération dans la précarité, mais de lui faire prendre conscience que son avenir ne se construira pas sur le modèle de leurs parents, hélas, mais que plus tôt ils intègreront les nouvelles donnes avec les outils nécessaires, plus vite ils seront compétitifs.
Le CPE offre cette possibilité, surtout pour les moins qualifiés, vouloir l’enterrer est à mon avis une erreur.
Cette exception française dont nous sommes si fiers depuis des décennies est en train de devenir un boulet nous poussant un peu plus chaque jour au ban de cette Europe que nous voulions si fort.
Nous sommes nombreux à regarder en direction des pays nordiques qui ont réussi cette mutation inévitable, pour y chercher des idées et comprendre comment ils ont opéré.
un article d’Eric Le Boucher, paru dans le Monde du 26 novembre dernier intitulé « Suivre le modèle suédois ? » se penche sur les raisons de ce succès dans la « flexsécurité », assurant la sécurité aux travailleurs et la souplesse indispensable à l’économie.
Ce pays a connu au début des années 90 les mêmes travers que la France
3 grands axes ont permis de remettre sur pied ce pays :
- Une ouverture à la compétition et aux forces de changement
- Un effort pour l’innovation, l’enseignement, la recherche
- Un état fort mais réformé et adapté
Pouvons nous évoluer dans ce sens en adaptant ces « recettes » aux spécificités de notre pays et à notre état d’esprit ?
De l’avis du ministre suédois Thomas Östros, vouloir changer les mentalités ne sert à rien, mais il faut proposer « beaucoup d’état et beaucoup de marché, les deux ensembles », savoir garder les industries fortes et développer les services connexes pour créer de l’emploi et… ne pas craindre l’ouverture et la mondialisation.