Education : la racine du mal ? acte 2
J'avais écrit ce billet il y a un an au plus fort des incidents dans les banlieues et je constate que le sujet revient encore sur le devant de la scène comme une maladie chronique pour laquelle aucun traitement ne semble marcher
L'absence ou de graves carences dans l'éducation sont-elles à l'origine de cette délinquance qui embrase les banlieues et qui fait bacusler de plus en plus de délinquants mineurs dans le crime ?
On aurait du se poser cette question plus tôt, au lieu de ne voir dans le malaise des jeunes des banlieues que des problèmes conjoncturels, sociétaux et politiques.
On aurait du s'inquiéter plus tôt des conséquences face aux parents de ces jeunes, pris eux aussi dans la tourmente et confrontés aux problèmes du chômage, de la précarité, de l'intégration etc... Des parents dépassés et abandonnant toute mission éducative auprès de leurs enfants, fermant les yeux, les laissant livrés à eux mêmes de plus en plus tôt sans garde fou, ni limite. Des enfants qui trouvent "refuge" dans la "bande", seule structure capable de leur donner "une place" et un semblant de "reconnaissance", bien souvent pour le pire.
Aujourd'hui 1er novembre 2006, qu'est ce qui a changé ?
Evoque t-on plus souvent ces parents et leur responsabilité dans l'échec éducatif de leurs enfants ? La société ne peut pas porter tous les maux sur ses épaules, elle ne peut se substituer au rôle d'un père ou d'une mère dans la construction d'un enfant, elle ne peut pas leur apporter ce socle, ce cadre indispensable pour grandir sereinement.
Si la cellule familiale n'est pas capable de donner à un enfant amour, sécurité, respect de soi, des autres et des règles, il ne faut pas nous étonner de retrouver ces mêmes enfants dans la rue cherchant à se confronter à des limites que personne n'a défini pour eux.
Qu'on ne vienne pas me bassiner une fois de plus avec l'environnement dans lequel vivent ces enfants, le divorce, le chômage, la pauvreté, je ne nie pas que ces facteurs sont à prendre en compte, mais je travaille toute la journée avec des personnes en grande précarité, qui parlent à peine notre langue, dont l'avenir est plus qu'incertain, mais je constate que la plus grande partie de ces familles n'en oublie pas pour autant l'une de leur priorité : éduquer leurs enfants, les pousser vers une bonne instruction et surtout ne pas les élever dans la fatalité de leur précarité actuelle.
Aujourd'hui, nous sommes tous passés de l'autre côté de la barrière, les adolescents franchissent chaque jour un pas supplémentaire vers la criminalité et la justice doit les juger comme des adultes pour se faire entendre et les parents de ces enfants ne sont jamais montrés du doigt ou si peu.
Pour illustrer mes propos, je vous livre un article de Cécilia GAZIBON du Figaro, paru le 12 novembre 2005.
Quand les parents démissionnent
Une bonne part des émeutiers sont des mineurs dont les parents ont souvent renoncé.
«J'EN VEUX énormément à mes parents de m'avoir si mal lancé dans la vie, raconte Mohad, 18 ans, dans une rare confidence. Ils me font honte, ces analphabètes. Ils me donnent des coups pour m'éduquer, alors qu'ils vivent de mes allocations familiales.» Depuis l'adolescence, Mohad, qui vit au Pavé neuf à Noisy-le-Grand, ment chez lui pour éviter les claques, crie fort à l'école pour donner le change. Il a «cassé» ces derniers jours, reconnaît-il, parce que tout «bout» en lui.
Sa mère feint d'ignorer cette révolte. «Je lui ai demandé de rester à la maison», commence Fathia, 45 ans, sur le ton du devoir accompli. Avec ses cinq enfants, son français hésitant et son horizon réduit à la cité HLM, Fathia «couvre» depuis bien longtemps la dérive de Mohad. «Quand j'étais convoquée à l'école, je voulais défendre mon fils pour qu'il ne soit pas puni. Sinon, son père l'aurait tapé.» Elle refuse d'autant plus farouchement les critiques qu'elle se sent coupable. «C'est peut-être de ma faute si Mohad ne tourne pas rond. Je n'ai jamais pu l'aider pour les devoirs.» Chaque fois que la police l'a interpellé, elle a juré aux agents: «C'est pas possible que mon fils ait fait ça!» De toute façon, «les policiers sont contre nous», assure cette Algérienne. Mohad dans sa rage, Fathia entre regrets et déni: ainsi va cette famille, malade, sans savoir vers qui se tourner.
Les émeutes n'ont fait que mettre au jour des liens déjà brisés entre les générations, une autorité parentale perdue depuis longtemps et, parfois, de la maltraitance. Si certains adultes s'interrogent, beaucoup préfèrent accuser:«C'est avec leur loi de protection de l'enfance qu'ils ont créé la délinquance», martèle Amina, 5 enfants, de la Courtille, un quartier de Saint-Denis: «Mes fils revenaient de l'école en brandissant le numéro pour enfants battus». Aujourd'hui, elle se pose en mère courage, réclame la suppression des allocations familiales «pour ces parents qui se fichent de leurs enfants». Mais derrière cette morale clamée haut et fort, se cachent deux fils trafiquants, ses aînés qu'elle a abandonnés lorsqu'ils étaient adolescents pour refaire sa vie. Mais cela, Amina ne le mentionnera pas.
Partout, le silence recouvre les blessures. Yacine, 18 ans, vit à Bondy avec son père. «Un inconnu, dit-il. Je ne sais rien de lui. Il ne me parle jamais.» Alors Yacine avance à l'aveuglette, coincé entre la tradition familiale qui ne se discute pas et ce monde extérieur si différent. Pour se sentir moins seul, moins perdu entre ces contradictions, il s'est trouvé une autre famille: «les copains». Et les a suivis les soirs d'émeutes.
Ces gamins qui partagent si peu avec leurs parents les défendent pourtant bec et ongles. «Ma daronne (mère) a tout donné pour nous», martèle Nissan, 18 ans, incendiaire la nuit, aux alentours du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) où il vit. Sa mère divorcée adule ce fils certes délinquant, mais si prévenant. «Il cherche du travail, mais personne ne veut le prendre», assure Malika, 45 ans, 7 enfants. Fataliste, les yeux depuis longtemps fermés sur tout ce qui la dérange, Malika assure n'avoir «aucun problème d'autorité».
Tout comme Fatou, deuxième épouse, mère de six enfants de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Majestueuse dans son boubou, elle semble bien loin des méfaits de ses fils, que tout le quartier dénonce. Le père, éboueur en retraite, est au «village», au Mali, pour plusieurs mois. Pendant que les parents gardent les yeux rivés sur l'Afrique, les enfants se perdent dans les cités.
Smaïn, lui, a choisi: «J'éduque mes enfants à la française». Mais, au bord des larmes, ce mécanicien de 38 ans redoute de voir ses efforts anéantis par les émeutes: «J'ai peur qu'on rejette un jour mes enfants, qu'on les renvoie au Maroc, alors que j'aurai tout fait pour qu'ils soient des Français.»